Citations – La promotion de l’allaitement au Québec – 2 de 2

Voici la suite de mes citations préférées du livre La promotion de l’allaitement au Québec. Ces citations font davantage appel aux faits et à mon esprit pragmatique. Je trouve que la situation dans son ensemble n’a pas autant changé qu’on aimerait bien le croire à l’égard de la façon dont on traite les femmes et le sujet de la parentalité. Je trouve aussi que les multiples tabous et la tentative de minimiser la complexité du sujet de l’allaitement n’aident pas non plus à améliorer la situation. J’aime beaucoup le fait que les différents articles du livre proposent des solutions et des pistes de réflexion pour changer la situation actuelle, qui selon moi, est intenable.

Article intitulé Les médecins québécois francophones et l’allaitement, 1900-1970 : un discours à la fois autoritaire et ambigu par Denyse Baillargeon

Page 23 :

« Si, depuis une trentaine d’années, une proportion croissante de mères québécoises francophones allaitent, durant toute la première moitié du XXe siècle, elles ont été celles qui, comparativement aux femmes des autres groupes ethniques du Québec, nourrissaient le moins. Jusqu’aux années 1960, les franco-catholiques présentaient aussi les plus forts taux de mortalité infantile, une situation qui, avant la Deuxième Guerre mondiale, était en grande partie attribuable à la « grève de l’allaitement », comme l’exprimait l’un des médecins hygiénistes les plus connus de son époque. C’est d’ailleurs quand la mortalité infantile a commencé à devenir une véritable préoccupation sociale et nationale que les membres de l’élite médicale – médecins hygiénistes, pédiatres, membres des facultés de médecine – ont commencé à faire la promotion de l’allaitement, liant ainsi la question à celle de la survie du peuple canadien-français. »

Pages 38-39 :

« La propagande des médecins en faveur de l’allaitement maternel durant la première moitié du XXe siècle a donc pris des tonalités souvent ambiguës. D’une part, étant donné les dangers bien réels que l’alimentation au biberon représentait [à l’époque], on peut comprendre qu’ils y aient consacré de longs exposés, mais on peut aussi se demander s’il ne s’agissait pas d’une manière de mieux justifier l’importance de leur rôle auprès des femmes. À une époque où le corps médical cherchait à faire valoir son expertise auprès d’une population encore réticente à le consulter, la question de l’alimentation des bébés apparaissait comme une excellente porte d’entrée pour s’immiscer dans les familles – car si tous les bébés n’étaient pas malades, tous avaient besoin d’être nourris –, et s’imposer comme la référence en matière de bien-être infantile. Or, à ce chapitre, les médecins avaient certainement beaucoup plus à dire aux mères qui n’allaitaient pas qu’à celles qui allaitaient. »

Conclusion rédigée par Chantal Bayard

Pages 194-195 :

« [O]n tend à présenter une image de l’allaitement qui minimise les difficultés pouvant survenir. Ne pas parler des difficultés courantes liées à l’allaitement, et de la normalité de celles-ci, a d’ailleurs longtemps contribué à en propager une image idéalisée (Knaak, 2006, p. 413). […]

Étonnamment, le rapport des femmes à leur corps est le grand oublié du discours sur l’allaitement. Certes, on parle des seins, de leur fonction biologique principalement, mais très peu des représentations sociales du corps des femmes et encore moins de la relation très personnelle de chaque femme avec son corps. Pourtant, l’allaitement passe par le corps et celui-ci a une histoire – d’amour, de sensualité, d’indifférence, de souffrance, de violence, etc. – qui peut influencer la décision de nourrir au sein et la poursuite de cette pratique. […]

La tendance à négliger de présenter la diversité des expériences d’allaitement a longtemps été justifiée par l’idée que d’en parler de façon réaliste allait décourager les femmes de tenter l’expérience. Seulement, d’autres exemples, comme celui de l’accouchement, nous montrent que les femmes veulent être informées de ce qui les attend. »

Pages 196-197 :

« [S]i le gouvernement aspire à changer la norme sociale en matière d’alimentation au Québec, il devra proposer une vision qui tient aussi compte des dimensions sociales de l’allaitement et de la diversité des expériences des femmes à l’égard de cette pratique. Dans ce contexte, la réactualisation du discours s’avère donc incontournable. […]

Pour terminer, les campagnes de promotion de l’allaitement tendent à polariser le discours entre l’allaitement et l’alimentation à l’aide des préparations commerciales. Alors qu’ils sont les mieux placés pour informer les parents, les services de santé demeurent discrets lorsqu’il s’agit de transmettre ce type d’informations. Cependant, nous l’avons vu, un grand nombre de nourrissons consomment ces produits (à l’occasion ou tous les jours, de pair avec l’allaitement ou non) et les parents sont en droit d’être informés, de manière éclairée, à ce sujet (composition, types de lait sur le marché, sécurité du produit, etc.). Sans prétendre que ces choix sont équivalents, il serait judicieux de fournir davantage d’informations sur le contenu et la qualité des préparations. […]

[L]a sociologue Ellie Lee signale qu’au moment d’introduire du lait non humain du commerce dans l’alimentation de son […] enfant, le choix de la préparation peut susciter chez les parents de l’anxiété et de l’inquiétude en raison de la difficulté d’obtenir des informations crédibles, autres que celles fournies par les fabricants (2007, p. 305).

[…]

En déployant peu d’énergie à surveiller les pratiques de l’industrie et en ne la contraignant pas à offrir des produits plus sains, l’État laisse les coudées franches aux compagnies qui investissent des millions de dollar[s] en publicité pour attirer l’attention des mères en récupérant le discours de promotion de l’allaitement à leurs fins. »

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Auteur : petitesvagues

Ma photo de profil est un dessin de la bande dessinée La petite patrie (Julie Rocheleau et Normand Grégoire)

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