Citations – La promotion de l’allaitement au Québec – 1 de 2

J’ai enfin trouvé le temps de faire le tour de tous les bouts de texte que j’avais soulignés dans le livre La promotion de l’allaitement au Québec, comme promis! J’ai séparé les citations en deux billets, parce que c’est assez long! Ce billet rassemble les citations qui parlent plus à mes émotions, dans lesquelles je me suis davantage reconnue. Ça m’a fait tellement de bien de lire ces articles!

Article intitulé La promotion du soutien au femmes qui désirent allaiter : pour en finir avec la culpabilité par Manon Niquette

Page 92 :

« Dans une société obsédée par la production, qui offre peu de soutien aux familles et où le sein est hypersexualisé, les femmes qui allaitent doivent faire montre d’une endurance à toute épreuve pour contrer les obstacles qui se présentent à elles (Bortloff, 1990). […]

Allaiter n’est pas seulement l’affaire d’un choix ou d’une décision. Disons-le clairement, c’est un entêtement. »

Et moi j’ajouterais : C’est un entêtement dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, c’est une obsession qui tourne en tourbillon de désarroi.  

Pages 94-95 :

« Le manque d’information sur les difficultés pouvant se présenter durant l’allaitement en aurait amené plusieurs à abandonner ou à alterner avec des laits commerciaux (Kelleher, 2006). […]

Une politique de communication centrée uniquement sur la promotion de l’allaitement aurait pour effet de contribuer à l’augmentation des taux d’allaitement à la naissance, mais aussi à l’abandon précoce de celles qui, une fois seules devant les difficultés, se jugent à tort différentes des autres. […]

Comme on l’indique dans le rapport d’évaluation de la mise en œuvre des lignes directrices en allaitement maternel au Québec :

encourager l’allaitement sans garantir l’accès à un soutien adéquat en période postnatale équivaut à mettre en scène un scénario où les mères se retrouvent trop souvent en situation d’échec, avec un sentiment d’incompétence maternelle et les séquelles psychologiques délétères qui l’accompagnent (Semenic, Groleau et coll., 2012, p. 25). »

Page 102 :

« Concrètement, l’étude [Burns, Schmied, Fenwick et Sheehan, 2012] portait sur la construction discursive de l’allaitement et les représentations du lait maternel véhiculées par 76 sages-femmes australiennes au cours de leurs échanges avec des femmes qui allaitent. L’analyse critique du discours des sages-femmes a permis de constater que celui-ci était principalement centré sur la valeur nutritive du colostrum et du lait maternel, et ce, au détriment du processus d’allaitement lui-même. Cela aurait pour conséquence un glissement du discours sur l’allaitement vers l’univers sémantique de la production manufacturière des biens de consommation : dans un discours marqué par la biologie de la lactation, (Hausman, 2003), les femmes apparaissent comme des « opératrices d’équipement de production » peu informées et incompétentes. Les résultats de l’étude indiquent que l’approche disciplinaire et techniciste prévalant dans les pratiques de soutien aux femmes qui allaitent doit être remplacée par une démarche fondée sur la préservation de l’intégrité mentale et physique des femmes et respectueuse de la relation en voie de se créer entre elles et leur enfant. »

Page 104 :

« La bonne mère est celle qui fait passer les besoins de ses enfants avant les siens, a fortiori lorsque l’abnégation lui cause préjudice ou la place en situation de détresse. Par contraste, la femme qui décide de ne pas allaiter pour répondre à d’autres exigences s’expose au risque d’être jugée comme une mauvaise mère (Murphy, 1999). Comme l’explique si bien Chantal Bayard (2008, p. 70), la représentation de l’allaitement est paradoxale dans la mesure où celui-ci est vu à la fois comme un « devoir maternel » et comme un choix « libre » et « personnel ». Les conséquences de ce paradoxe ne sont pas anodines : une femme en détresse qui vit avec l’impression d’avoir délibérément failli à son devoir maternel risque de se retirer complètement de la vie sociale. Quand la culpabilité conduit à l’auto-exclusion, c’est que la personne est envahie par la honte. »

Article intitulé « Cachez ce sein que je ne saurais voir » : comment négocier l’allaitement dans l’espace public? par Chantal Bayard

Page 129 :

« […] il n’en demeure pas moins que les femmes sont sujettes à une certaine forme de stigmatisation lorsqu’elles allaitent dans l’espace public. S’il est vrai que notre société valorise l’égalité entre les hommes et les femmes, la frilosité à l’égard de cette pratique devrait nous préoccuper. D’autant plus que les femmes sont vivement encouragées à allaiter sous peine de sanction sociale (lire Desrochers et Renaud, 2013, dans cet ouvrage). Ros Branwell décrit bien ce paradoxe :

Such a society may both stigmatise individual mothers for not giving their infants the superior product of breast milk, whilst simultaneously stigmatising other women for exposing their breasts in public (2001, p. 95). »

 Article intitulé La promotion de l’allaitement : les représentations sociales paternelles par Francine de Montigny

Pages 160, 161, 170, 174 et 175 :

« Tel qu’érigé dans les diverses campagnes de promotion, le lait maternel est le meilleur choix, voire l’unique choix du parent bienveillant, désireux de donner ce qu’il y a de mieux pour son enfant.  [p. 160]

[…]

Globalement, l’information est centrée sur les avantages et la mécanique de l’allaitement. De multiples manières, le message transmis aux parents associe la qualité de la parentalité au mode d’alimentation de l’enfant. [p. 161]

[…]

Implicitement, la femme qui alimente son enfant autrement devient « la mauvaise mère » en opposition à celle qui allaite, la « bonne » mère (Bayard, 2012; de Montigny et coll., 2013; Holmes, Delgado et Perron, 2009). [p. 170]

La stratégie de promotion de l’allaitement s’impose aussi dans l’espace privé, lorsque tant les professionnels que l’entourage se permettent de donner leur avis à propos des décisions et des choix des parents. L’allaitement devient alors une obligation de se conformer à l’image de la bonne mère plutôt qu’un choix. À ce sujet, nos résultats de recherche indiquent que le discours social ne prédispose pas nécessairement les femmes à allaiter ou à le faire plus longtemps, mais plutôt à se méfier des professionnels de la santé. […]

Dans le même ordre d’idées, il y a lieu de mettre l’allaitement au centre d’un ensemble d’expériences et de fonctions parentales plus complexes. L’allaitement ne relève pas uniquement du corps de la mère; il est réducteur de ne considérer que la seule mise au sein. […] L’allaitement prend place, ou non, « dans un monde construit par le couple » (Houvouras, 2006) en fonction d’un ensemble de caractéristiques personnelles, contextuelles et interactionnelles […] » [p. 174-175]

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Auteur : petitesvagues

Ma photo de profil est un dessin de la bande dessinée La petite patrie (Julie Rocheleau et Normand Grégoire)

4 réflexions sur “Citations – La promotion de l’allaitement au Québec – 1 de 2”

  1. J’ai trouvé particulièrement intéressant le dernier extrait du texte de Manon Niquette. Il me semble que cette illusion de libre-choix associée à des attentes sociales très rigides est très présente dans l’expérience de la maternité, et même dès la grossesse. Le dépistage prénatal, l’allaitement, la vaccination, les achats à faire pour un nouveau-né, etc. On nous offre des « choix » mais les conséquences de faire le mauvais choix sont importantes…

    1. J’avoue que j’ai une affection particulière pour le texte de Manon Niquette! (Ça paraît: elle prend beaucoup de place dans mes choix de citations!) Je trouve que les attentes sociales envers les futurs parents et les parents tout court sont très rigides en ce moment, et en plus elles sont multiples et contradictoires! L’allaitement est un bon exemple de ça : « Allaites, c’est très important, mais fais-le surtout pas en public! » Euuuuuuh… Quoi? C’est en même temps très rigide et complètement contradictoire… Je trouve que c’est comme ça pour presque tous les « choix » : tu as le choix, mais peu importe ce que tu choisis, tu as toujours tort! C’est devenu complètement aliénant..

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